La négociation, de la statuette en Afrique à un multilogement à Joliette
Ce texte a été écrit pour la revue Mordus d'immobilier, dans l'édition du printemps 2019. Pour plus d'info sur cette revue : https://ift.tt/2qTl1U9
Au cours de la dernière décennie, j’ai parcouru une trentaine de pays pour réaliser des mandats de consultation et de formation en gestion de projet, principalement en Afrique et en Asie. Ce qui me frappe à chaque fois : là-bas, tout se négocie. Tout le temps.
Tu as un problème avec le douanier : tu négocies. Tu achètes une œuvre d’art : tu négocies. Tu n’as rien fait de mal et un policier t’arrête sans raison : tu dois négocier. J’ai même déjà réussi à négocier la réouverture des portes d’un avion, ce qui serait impensable ici. Loin de moi d’entrer dans un débat sur l’éthique, mais disons que la négociation est au cœur de ma vie durant ces missions. Négocier devient une obligation.
Au début, c’est déstabilisant. Au fil des missions, ces situations m’ont souvent sorti de ma zone de confort, me forçant à développer mes habiletés de négociateur.
Dans un marché d'artisanat à Niamey au Niger en 2016 |
Développer une culture de la négociation
Au Québec, nous ne tombons pas dans la marmite de la négociation en naissant comme dans certains pays. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai, je regarde mon fils de 4 ans, il négocie avec nous pour tout et pour rien, à longueur de journée. Je crois que c’est en vieillissant qu’on perd cette facilité à entrer en négociation. C’est incompréhensible que le système d’éducation ne nous habilite pas davantage sur un sujet aussi crucial.
Oser faire des demandes à l’autre partie
À d’innombrables reprises, des vendeurs me demandaient des prix exorbitants pour leurs artisanats ou autres produits. Ils sont en droit de demander ce qu’ils veulent. Un touriste pressé sera moins enclin à faire baisser le prix, donc parfois le vendeur fait juste tester les connaissances du client.
De mon côté, j’ai souvent répliqué avec des offres agressives. En tant qu’acheteur, je peux offrir ce que je veux. Commence ensuite le jeu de la négociation pour en arriver à une situation gagnant-gagnant. Souvent, je finissais par quitter la négociation si je n’étais pas satisfait. Puis, je revenais quelques jours plus tard pour recommencer une nouvelle négociation. Les gens ne s’en offusquent pas, c’est dans la culture. Il ne faut toutefois pas abandonner au premier refus.
Quand je sens que j’approche de la limite inférieure du vendeur, je le teste encore un peu : « Pour le prix convenu, que me donnez-vous de plus ? » À ma surprise, il ajoute souvent un petit quelque chose. Pourquoi est-ce possible de faire ça pour une statuette en bois au Cameroun, et qu’il en serait différent lors d’une négociation immobilière au Québec ? Les raisons de ne pas faire de demandes créatives aux vendeurs sont dans notre tête, bien souvent. Dans la mienne du moins !
Dans la dernière année, j’ai commencé à appliquer davantage ces apprentissages à l’immobilier.
Quelques éléments négociés récemment
- Des garanties de loyer de près de 25 000 $ pour un local commercial et un logement résidentiel, les deux payables chez le notaire lors de l’achat ;
- Une remise en argent chez le notaire par le vendeur pour travaux devant être effectués, mais que le vendeur refusait de faire ;
- Une balance de prix de vente (BPV) avec des vendeurs, représentant 100 % de la mise de fonds pour l’achat de deux immeubles résidentiels ;
- Négocier avec la banque pour qu’elle accepte l’entièreté de la BPV précédente et qu’elle finance tout le reste ;
- La résiliation du bail d’un locataire par le vendeur avant l’acte d’achat.
- Une réduction de 50 % des frais d’ouverture de dossier d’une banque puisque « j’apportais » deux nouveaux immeubles chez elle.
Dans certains des exemples précédents, j’étais convaincu d’obtenir un NON du vendeur ou de la banque. J’ai bien retenu la leçon : ne pas dire NON à la place des autres et oser faire des demandes. Ça ne fonctionne pas à tout coup, bien entendu.
Présenter des choix aux vendeurs
Un petit truc en terminant, osez présenter des choix aux vendeurs dans vos propositions d’achat. Les psychoéducateurs recommandent d’ailleurs d’utiliser la même stratégie avec nos enfants : « chandail bleu ou rouge ce matin ? » Il s’agit de les mettre devant un choix qui n’est pas oui ou non.
Voici un exemple appliqué à une transaction sur un immeuble semi-commercial l’an dernier.
Après le refus de notre première proposition d’achat par le vendeur, nous sommes revenus à la charge une semaine plus tard. Au lieu de lui présenter qu’une seule nouvelle proposition, nous avons présenté simultanément deux propositions complètement différentes.
La première, à un prix près de celui désiré par le vendeur, mais avec une importante balance de prix de vente, considérant que deux locaux commerciaux étaient vacants. La deuxième proposition, à un prix beaucoup plus bas et sans condition de financement bancaire, c’est-à-dire que la transaction serait payée comptant.
Cette stratégie a ouvert la porte à une négociation, qui s’est terminée à mi-chemin entre les deux propositions présentées : un prix à notre satisfaction et une transaction payée comptant, sans balance de prix de vente par le vendeur. Nous avons obtenu un prix discompté et le vendeur pouvait passer à un autre dossier rapidement, sans risque d’un refus de financement bancaire.
Osez faire des demandes à l’autre partie !
Steve Forget, PMP
Auteur du blogue Jeune investisseur immobilier
Formateur en gestion de projet depuis 15 ans
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